Nous sommes le 14 juillet. Depuis ma plus tendre enfance je suis baigné dans le bleu blanc rouge, les drapeaux, les gerbes de fleurs, les défilés militaires, les musiques et les uniformes, les alignements, les feux d'artifice, les applaudissements. Cela ressemble beaucoup au théâtre: musiques, costumes, travail de groupe, discipline, décorum, les fleurs, et les applaudissements.
Depuis la même époque, le mythe napoléonien a commencé à se confondre avec cet engouement pour la chose militaire. Grâce au cinéma, à Abel Gance très académique, ou à Sacha Guitry qui associait l'histoire, comme la concevait Dumas, à cette légèreté teintée d'humour qui fait passer les choses les plus dures : à la française, quoi !
Pendant mes vacances d'été qui se déroulaient en bonne partie dans la région parisienne, chez mes grands parents paternels, j'avais l'occasion d'échapper à la campagne briarde pour visiter à Paris les musées et surtout ceux qui présentaient des mannequins de cire, en costumes d'époque. Que de souvenirs encore très précis dans mon esprit : les héros de Paris (et d'ailleurs) au musée Carnavalet, où j'agaçai le guide en anticipant sa présentation. Il faut dire que les bandes dessinées de l'époque, que je dévorais, étaient très orientées sur des contenus pédagogiques et anecdotiques à la fois. Je vous ai déjà parlé des belles histoires de l'Oncle Paul.
La visite du musée de l'armée, plus poussiéreux, et sans aucune mise en scène était en ce temps là assez austère. La visite du tombeau de l'Empereur, attenant au musée, elle, me marqua par son aspect grandiose et solennel. Et quand en sortant, je vis une affiche indiquait que deux soirs par semaine, il y avait dans la cour d'honneur, un son et lumière "aux gloires des aigles Impériales", je n'eu de cesse de tanner mes parents pour y venir, ce qui n'était pas évident, les moyens de locomotion étant assez réduits depuis Gretz Armainvilliers dans les années 50...
J'arrivais cependant à mes fins et nous nous retrouvâmes dans la cour d'honneur garnie de chaises, tandis que pour attendre la tombée du jour, des musiques militaires napoléonniennes ou pas créaient l'ambiance. On était perdus, quoi que le spectacle soit annoncé en français, parmi les anglais (pas rancuniers ou masochistes) et les américains qui composaient un public impatient.
Je m'attendais à chaque instant du spectacle, a voir surgir de derrière les colonnes, des grognards et même Napoléon, pourquoi pas. Le son était sans doute stéréophonique, et indiquait l'endroit où il allait se passer quelque chose. Les voix que j'entendais me laissaient accroire que les personnages arrivaient (j'appris bien plus tard que c'était des voix "off", j'en compris l'économie), mais rien ne venait, personne, et j'attendais toujours : bref je m'attendais à çà:
Et j'ai eu droit, à du bleu, à du rouge, à du bleu-blanc-rouge, du rouge, du blanc, etc...Que des éclairages, mais de soldats, d'Empereur, de cavaliers, dont pourtant j'entendais le choc des sabots sur les pavés de la cour, point!
Je ne vous dis pas la déception, assez partagée par les miens, mais aussi par des touristes, qui une fois de plus s'étaient fait arnaquer en France!
J'ai depuis la plus grande méfiance pour les spectacles son et lumière, méfiance qui repose sur un quiproquo dans mon esprit : son et lumières, cela ne veut en réalité rien dire d'autre que musique, paroles, et projecteurs!
Ce sont des ingrédients du théâtre, qui lui, le plus souvent, est heureusement agrémenté de la présence physique de personnages!
J'ai eu ma revanche, bien plus tard, en 2005, sur les Invalides qui ont abandonné les sons et lumières, mais organisé des visites nocturnes du musée et du dôme accompagnées de guides et de personnages en costumes porteurs de torches et des reconstitutions historiques.
Voici celle que j'ai pu y voir :
Entretemps, il y avait eu Madame Sans-Géne et le Marengo des Compagnons de Jéhu, avec du son, de la lumière (merci les 500 de Robeert!) et des comédiens. Mon mythe napoléonien avait été nourri!
Photos collection Marc Donville